"N'oublie pas de ne pas oublier" [N'Aurélie]
Dimanche 04 novembre 2007
Concert de Plastic Tree à la
Maroquinerie, Paris
[Même si les mots de notre chère langue française me paraissent alors si pauvres, si fades, je m’en vais les amadouer pour tenter de garder une trace de ce concert inoubliable, encore plus intense que celui de l'an passé.]
J’arrive à 13h devant La
Maroquinerie. Nous sommes une petite vingtaine. Les portes n’ouvrent qu’à 19h30,
le concert commençant à 20h. L’attente commence donc. Celle qui nous brûle
d’impatience, celle qui prend au cœur.
Plastic Tree doit se rendre à une
dédicace au Chibi Japan Expo à laquelle je regrette amèrement de ne pouvoir
assister. Mais bon, au moins, je suis plus tôt dans la file et cela est loin
d’être négligeable.
J’entame la discussion avec
quelques personnes, quand une dame asiatique qui habite la rue nous amène à
tous deux cagettes de mandarines, une poignée de bonbon et du coca. La
générosité personnifiée. Comme quoi, il existe encore des gens biens sur notre
petite planète.
Et aux alentours de 15h,
peut-être 16h, je ne sais plus très bien, un bus s’avance. Du staff japonais en
descend. Des barrières sont placées. Je m’avance timidement, mes trois roses
fraichement achetées entre les mains. Je me colle au fer froid, et regarde les
gens avec des yeux interrogatifs. Ne sont-ils pas censés être à la dédicace ?
Est-ce que c’est seulement le matériel ? J’attends. Et là. Je le regarde
passer, l’air agar, ne voulant pas croire que ce soit lui. Akira. Quelques secondes
après, c’est au tour d’Hiroshi. Un signe de la main et il s’enfonce lui aussi
dans les couloirs de La Maroquinerie. Et arrive alors Tadashi. Mon cœur bat
encore plus fort. Je tends mes roses, fébrilement. Il me fait signe pour me
dire merci, mais ne les prend pas. Il s’éloigne. Puis, Ryutaro. Et ses
grandes lunettes. Frisson. Il passe lui aussi. Mais mes roses sont toujours là.
Puis il hésite, et rebrousse chemin. Il les prend. Il repart. Et moi je reste là, à murmurer des arigatou
inaudibles. A peine je me retourne que déjà je pleure dans les bras d’une jeune
demoiselle que je ne connais que depuis une petite heure. Il m’en faudra tout
autant pour parvenir à calmer mes tremblements.
Une trentaine de minutes plus
tard, ils repassent et prennent la route de la convention.
Nous papotons, nous partageons
nos sentiments. On se découvre. Les personnes qui m’entourent sont adorables…
Cassandre, Marie… Un peu plus tard, Vanessa nous rejoint. Je suis heureuse de
la voir enfin. Puis c’est n’Aurélie qui me glisse quelques mots qui me mettent
du baume au cœur.
On nous dit que le concert sera
un peu retardé. Soupirs dans la queue. Tant pis, nous patienterons. Ça en vaut grandement
la peine… L’heure approche. Nous commençons à être serrés devant. L’impatience
monte, on piétine, on se contorsionne. Les muscles sont tendus. Je ne cesse de
répéter Tadashi, Tadashi… Faites que je sois près de lui.
Et vers 20h, ouverture. Enfin. On
se rue littéralement vers l’entrée. On ne pousse pas s’il vous plait ! Les
injonctions des vigiles restent veines. On déchire mon ticket, je dévale les
marches, je cours. Et. Et ça y’est. Je suis tout à gauche. Premier rang. Devant
Tadashi. Je reconnais d’emblée la basse turquoise de l’an dernier. Je me rends
compte que nous sommes à moins d’un mètre de la scène, presque aussi basse
qu’une estrade. Je prends conscience qu’ils seront près, si près de nous.
Vanessa et Cassandre me sourient. Tu vas pouvoir vivre ton rêve pleinement semblent-elles
me dire. Oui. Un véritable rêve.
Les bouteilles d’eau et le sucre
sont préparés sur le bord de la scène, de la fumée qui nous pique la gorge est
envoyée à plusieurs reprises. 21h. On n’en peut plus.
21h15. Les lumières s’éteignent.
Enfin. Le public semble retenir son souffle pendant quelques secondes avant de
pousser ses premiers hurlements de joie.
Et le rêve commence. Ne me
demandez pas l’ordre des morceaux, je ne m’en souviens plus.
Je bois la voix de Ryutaro et me
gorge de leur présence, leur image, de leurs gestes.
J’observe Tadashi. Il est très
classe. Il m'émeut. Toujours cette énergie et cette aura qui m’avaient tant envoutée en
juillet 2006. J’essaie d’inscrire dans ma mémoire chaque détails, aussi infimes
soient-ils.
Ryutaro est vêtu d’un ensemble
gris et se démène également. Sa longue frange cache souvent ses yeux. Je le
trouve très beau aussi.
Hiroshi nous offre une superbe
prestation. Il envoie, on voit qu’il prend un plaisir monstre. Ce soir, je peux
également voir son visage, ses expressions. Il m’impressionne.
Akira porte encore un haut sans
manches, qui laissent découvrir ses bras tatoués. Délicieux riffs de guitare.
Le concert se révèle extraordinaire,
malgré quelques problèmes de sons qui rendront à quelques reprises la voix de
Ryutaro faiblement perceptible.
Comme l’an passé, une véritable
communion se crée entre le groupe et le public. On doit être 200, ou 300, et
nous sommes véritablement tous unis dans la musique de Plastic Tree. Tadashi
s’approche plusieurs fois. Je touche parfois son bras, sa main, en prenant
garde à ne surtout pas effleurer les cordes de la basse. A la fin d’un morceau,
il brandit toutefois cette dame bleue et semble vouloir la partager avec nous.
Nous sommes plusieurs à poser notre paume dessus. Je suis simplement ailleurs,
quelque part où la réalité n’a plus d’emprise. Ryutaro aussi se déplace de part
et d’autre de la scène, et manque même de tomber. Je ne sais plus combien de fois j’effleure ses
vêtements, puis ses jambes, ses mains. Je me fiche de ce que les gens peuvent
penser. Ces contacts tactiles m’apportent mille et une bouffées de bonheur. Une
magie innommable.
Lors de petites pauses, Ryutaro déplie une feuille sur laquelle il a inscrit quelques mots à nous dire en français. Des bonsoir, des merci pleuvent sur nous avec une douceur délicieuse. Des comment ça va Paris?, encore plus?. Je me souviens même, je crois, d’un on va mettre l’ambiance. Grand sourire. Ryutaro replace à chaque fois ce papier dans une poche arrière de son pantalon. Et le concert avançant, la sueur a raison de sa résistance. Lorsqu’il ressort la feuille pour la dernière fois, celle-ci se déchire sous ses yeux. Rires. Rires de chaque membre du groupe. Rires complices et encouragements du public. Instant inoubliable.
Plastic Tree donne tout ce qu’il
a. Je m’abreuve de chaque morceau, chaque note. Je susurre les paroles que je
connais. La puissance de Fujunbustsu,
Ghost, Elegy, Egg, et Hatred Dip it, entre autres,
nous transportent. Qu’on ne me dise pas que la musique de ce groupe est calme.
Je mets toutes mes forces dans chaque mouvement, je veux montrer ma joie, leur
transmettre la plénitude que je ressens. On saute, on crie, on frappe dans nos mains. Symbiose.
Les vigiles sont exemplaires.
Nous ne manquerons pas d’eau et ils ne nous gêneront pas. (Et on retiendra leur Si vous vous sentez mal, levez la main!)
Et au milieu de ces morceaux
euphoriques, vient Andro metamorphose. Je ne saurais décrire ce qu’il
s’est passé à ce moment là. Tout le monde se tait alors. Début de la chanson.
Les notes semblent flotter dans l’air et effleurer chaque parcelle de ma peau.
Nous sentons tous que les minutes qui vont suivre seront parmi les plus
émouvantes du concert. C’est là que je verse quelques larmes. Comme bien
d’autres personnes. Les sentiments à vif, le plaisir d’être là. Les regarder un
à un et penser à tout ce qu’ils m’apportent ce soir. Je tends la main vers mon
sac, et saisis la pancarte sur laquelle j’avais pris soin d’inscrire tout
simplement arigatou en japonais. Je la place lentement au niveau de ma poitrine, discrètement,
ne voulant pas briser cet instant onirique. Et Tadashi croise mon regard. Il la
voie. Il la lit. Et hoche la tête en signe de remerciement. J’imite son geste
puis, tremblante, repose ma feuille, le cœur baigné de reconnaissance.
Lorsque le morceau prend fin,
c’est une véritable clameur qui envahit la salle et transmet une fois de plus
notre joie au groupe.
Il y’a un rappel, lors duquel ils
reviennent vêtus du tee-shirt de la tournée. Je sens que commence à poindre en
moi la peur de la fin de cette soirée. Alors je me délecte des dernières
chansons, je savoure, je goute chaque seconde et les enveloppe d’un écrin.
Ils jouent Makka na ito.
Je glisse à Cassandre ça sent la fin. En effet, les sayonara
mélodieux des paroles ont bien cette signification. Et c’est sur ce morceau aux
semblants nostalgiques qu’ils reposent leurs instruments.
Je me penche rapidement et
reprends ma pancarte. Et cette fois-ci, je la hisse aussi haut que possible
pour que chacun des membres puissent la lire. Et quand Ryutaro s’avance, il me
l’emprunte et la brandit à son tour au public. Je me sens heureuse. Il me la
rend avec un sourire merveilleux.
Derniers gestes de Tadashi, Akira
et Hiroshi. Puis ils disparaissent. Fin. Lumières. Je reste un peu pour essayer
d’avoir un petit bout d’eux qui serait resté sur la scène, mais l’un des
membres du staff nous chasse comme de minables insectes. Pas de médiators cette
fois-ci non plus.
Je me dirige vers la sortie,
prends un flyer au format honorable au passage et achète un tee-shirt.
Devant les portes, on retrouve la
nuit glaciale. Je ne réalise pas encore. Je perds de vue Cassandre. J’étreins
n’Aurélie et quitte aussi Vanessa. Puis
je discute à nouveau avec Marie. Nous décidons toutes deux d’attendre la sortie
du groupe. Je ne veux pas avoir les mêmes regrets qu’en 2006.
Nous ne sommes plus qu’une
dizaine.
Le froid est mordant. Je garde
devant moi mon flyer et mon feutre noir. Si j’arrive à avoir une signature…On
reste devant les portes par lesquelles ils étaient entrés à l’allée. Une
barrière est de nouveau placée devant nous. Le matériel passe… Les minutes s’étendent
indéfiniment… Et tout à coup, ils sortent tous les quatre. Mais par une porte
un peu plus loin. Plus proche de l’entrée du bus. Ils nous font quelques signes
de la main.
Non. Non, ça ne peut pas se
finir comme ça.
Alors j’ose. J’ose crier leurs
noms. J’ose lever mon stylo et les supplier de venir.
Ils échangent des mots avec le
staff.
Puis.
Puis Valentine n’est plus qu’une
petite fille aux étoiles plein les yeux. Valentine les voit s’approcher d’elle.
Valentine leur tend son flyer.
C’est d’abord Ryutaro qui signe.
Et mon feutre fait le difficile. Marie me prête le sien, et Ryutaro signe à
nouveau. Cette fois-ci l’encre bleue est bien visible. Puis c’est au tour de Tadashi,
juste en face de moi, là, simplement séparés par une barrière. Mon corps s’électrise.
Je ne cesse de me fondre en remerciements. J'espère simplement qu'il peut lire dans mon regard tout ce que mon faible japonais ne peut lui exprimer. Akira appose ensuite son autographe,
et Hiroshi vient aussi de mon côté pour faire de même. Je leur souris. Encore
et encore. Pendant qu’ils finissent, je garde ce trésor contre mon cœur. Je
n’ai plus froid. Les larmes se pressent au bord de mes cils. Je les retiens
encore un peu, juste une minute, juste le temps de leur adresser un dernier merci
et leur crier sayonara. Un aurevoir qui s’apparente surtout à un à
bientôt.
Ils montent dans le bus, qui démarre
et part enfin.
Je ne sais plus où je suis. Je
mets vite mon flyer dans une pochette pour le protéger. Et je pleure. Bêtement.
La corde craque, le fil lâche. Comment décrire ce que je ressens vis-à-vis de
ce groupe ? C’est tellement idiot. Ce sont pourtant des gens comme nous.
Mais plus je me dis que c’est idiot, plus mon amour pour leur musique grandit. Ce
sont les seuls qui me font vibrer avec une telle intensité. Je crois bien que
cela ne s’explique tout simplement pas.
Le retour à la vie réelle est
difficile.
Le début de semaine reste flou,
comme si j’avais vécu dans un brouillard étrange.
Il m’aura fallu faire de la peine
à celui que j’aime pour redescendre sur terre.
Ils ont dit qu’ils reviendraient.
Alors, je vais y croire. Je vais attendre leur retour. Je mettrai tout en œuvre
pour les revoir.
Je leur ai envoyé un mail. Puis
j’ai posté une lettre pour l’anniversaire de Tadashi qui, je le sais bien,
n’arrivera peut-être jamais à destination. Cette dernière initiative est comme
un point final à ce rêve du dimanche 04 novembre 2007. Parce qu’il le faut
bien.
La fin de quelque chose, le début
d’une autre. D'une nouvelle attente.